Menu
menu

Il y a peu, au hasard de pérégrinations virtuelles, je suis tombée sur un article d’un blog sur le mariage qui titrait gentiment « Comment j’aurai le reportage photo de notre mariage pour 200€… ». La « chroniqueuse » s’y étonnait des prix pratiqués par les photographes pros en mariage, assénait quelques vérités « bien senties » et n’hésitait pas à affirmer que les prix pratiqués étaient exorbitants au vu du travail fourni.
Fine mouche cependant, elle expliquait qu’elle ne se laissait pas prendre avec du vinaigre et que sa sœurette, photographe amateur, lui réaliserait son reportage mariage à la journée pour la modique somme de 200 €.

Si je comprends tout à fait que certaines personnes ont un budget serré pour le mariage ou même pour n’importe quelle prestation photographique, je voudrais tordre le cou à certaines idées reçues sur la photographie en général, et la photographie numérique en particulier, qui fleurissent dans cet article mal documenté.

1) Je ne suis pas photographe, mais des photos de mariage ne coûtent pas plus cher à faire que des photos de femme enceinte

Notre chroniqueuse oublie là un élément important, qui est le volume de clichés à « développer ».
Rien à faire, on ne l’évitait pas en argentique pour transformer la pellicule en négatifs exploitables ensuite par tirage. Suivant la nature du film, le développeur utilisait une chimie plutôt qu’une autre et adaptait les temps de développement pour obtenir un négatif plus ou moins contrasté, avec un grain plus ou moins marqué, etc.

En numérique, les appareils professionnels enregistrent les images en format RAW, qui est en somme l’équivalent d’un négatif. Le RAW va en effet garder toutes les informations de l’image et permettre son ajustement. Il est cependant nécessaire de dématricer l’image pour pouvoir l’exploiter – exactement comme on développait un film jadis.
Sachant qu’il faut compter environ 2 minutes de traitement par photo pour un dématriçage correct, 800 images, c’est à dire le nombre d’image pour un reportage mariage de 4 heures, seront traitées en 26 heures.
Il est donc normal que le simple développement d’une session mariage où l’on fournit toutes les photos, soit plus onéreux que celui d’une session « future maman » qui ne totalisera pas plus de 10 images développées.

dématriçage avec DxO
Le logiciel de dématriçage DxO permet de convertir les images du format RAW vers un format lisible par une imprimante, tout en effectuant les ajustements nécessaires à un joli cliché.

2) Lorsqu’on a un gros volume d’images à traiter, on crée un script qui s’applique d’un simple clic à chaque image

Ce n’est pas exactement une contre-vérité, mais ça ne s’applique certainement pas dans le cas évoqué.
Dans le cas d’une prise de vue en studio de type packshot, avec un éclairage identique et des objets aux caractéristiques similaires, on va en effet pouvoir appliquer un traitement par lot lors du dématriçage.
Par contre, un soin tout particulier aura été apporté lors de la prise de vue afin d’obtenir un cliché équilibré en terme de luminosité. La ligne d’horizon aura été soigneusement ajustée, l’appareil étant positionné sur un pied. Rien ne viendra perturber le champ de la photographie. On prendra le temps pour une mise au point manuelle et pour un ajustement du diaphragme afin d’obtenir la profondeur de champ souhaitée. Le cliché sera globalement répétable.

photographe de mariage
On préfèrera la rapidité d’action à la parfaite exécution technique lors d’un mariage, ce qui nécessite quelques corrections en post-traitement.

Ces conditions « idéales » sont bien évidemment très éloignées de celles d’un mariage.
La luminosité peut-être divisée par 100 entre un extérieur ensoleillé et une église sombre. On privilégiera la rapidité d’action à l’alignement horizontal pour les images sur le vif, drôles ou pleines d’émotion. La multiplicité des sources lumineuses (lumière du jour, lumière éléctrique) n’autorisera pas l’utilisation d’un pré-réglage de la balance des blancs.
En un mot, les 800 clichés d’un mariage sont généralement autant de réglages différents dans le logiciel de dématriçage.

3) Un vrai pro ne devrait pas avoir besoin de retoucher ses prises de vue

Certains pensent, à tort malehureusement, que Doisneau, Cartier-Bresson ou Atget ne retouchaient pas leurs photos. Puisque Photoshop n’était pas inventé à leur époque, c’est donc que ces artistes appuyaient simplement sur le bouton déclencheur de leur appareil et obtenaient un cliché parfait directement du fait de leur génie.

Quoique l’idée soit séduisante, c’est malheureusement impossible, et ce pour plusieurs raisons.

Le contraste

Le contraste, qui est le rapport entre la luminosité des tons clairs et celle des tons foncés, va être prédominant dans le rendu d’un cliché. Une image sans contraste va paraître plate, tandis qu’une image trop contrastée manquera de définition dans les tons moyens.

image peu contrastée à gauche et trop contrastée à droite
La partie gauche de l’image manque globalement de contraste : l’image est plate et fait ressortir les petits défauts des mains. A droite, le contraste a été excessivement poussé artificiellement – on ne distingue plus les détails de la main.

ajustement numérique du contraste d'image
L’ajustement numérique du contraste conduit à une image équilibrée, où les petits défauts des mains sont gommés mais où le détail subsiste.

Quiconque a passé ne serait-ce qu’une heure d’initiation en chambre noire se rappelera, en dehors de la lumière rouge et de l’odeur d’acide acétique si caractéristique, de l’utilisation de filtres gradés de 1 à 5 en fonction de leur couleur et du contraste qu’ils procurent à l’image lors de l’utilisation de papier multigrade.
La sélection du filtre adéquat pour un bon rendu d’image est un processus similaire à un ajustement du contraste sur un logiciel de dématricage ou d’editing, et les artistes de l’époque argentique utilisait ce genre de filtre, associé à des bains de développement plus moins long, pour obtenir le contraste désiré.

Le masquage

C’est affreux, mais c’est comme ça, l’univers et les lois de la physique ne se plient pas au désir du photographe. Certaines sources trop lumineuses vont donc apparaître comme des aplats blancs sur un cliché, qu’il soit argentique ou digital.
Au bon vieux temps du tirage en chambre noire, on utilisait ses mains ou des petits bouts de cartons fixés à des fils de fer pour masquer les parties de la photo ayant reçu suffisamment de lumière, et ainsi « faire venir » les parties trop blanches en les exposant plus longtemps sous l’agrandisseur.

photographe mariage Hédé

La prise de vue à contre-jour, qui ne peut malheureusement pas toujours être évitée, est l’une des principales raisons qui poussent à recourir au masquage.
Par exemple, le ciel du cliché ci-dessus apparaît blanc quand les personnages sont exposés correctement. Pour corriger ce problème et obtenir un bel azur, on développe deux images : sur la première, le premier plan est exposé correctement, et sur la seconde, c’est le ciel qui sera de la tonalité voulue. A l’aide d’un logiciel d’editing, généralement Photoshop, on va mixer les deux images pour n’en faire qu’une, qui présentera un beau dégradé de tonalités.

La retouche

Il suffit de consulter le site de Fourandsix pour avoir la preuve que dès 1860, on réalisait des photo-montages.
Sans aller jusqu’à ces extrêmes, il était tout à fait commun de placer un bas tendu sous un agrandisseur pour flouter les défauts de peau sur un portrait de femme, ou de corriger un élément ou un autre de la photo à l’aide d’un lavis ou d’une encre.

portraits de mariage Rennes

Aujourd’hui, particulièrement dans le cas d’un portrait de mariage, on a tendance à effacer cernes, ridules et autres petits boutons qui sont mis en valeur par les objectifs professionnels du fait de la netteté qu’ils confèrent à l’image. Sans tomber dans les excès des clichés de mode, une retouche légère est généralement appréciée.

photographe mariage Rennes
La météo ne se prête pas toujours à la prise de vue de mariage. Ici, le ciel gris a été retouché pour une ambiance un peu plus gaie.

Enfin, et la chose n’est pas des moins importantes, il pleut en Bretagne 160 jours par an, soit globalement 1 jour sur 2.
Or, rares sont les mariés qui apprécient un ciel d’apocalypse ou même une météo grisaillante pour les photos du plus beau jour de leur vie. Il devient alors nécessaire de créer une ambiance plus ensoleillée à l’aide d’un logiciel d’editing, comme sur les clichés de l’exemple suivant, réalisés sous le crachin de Dinard.

Pour conclure ce post un peu dense, retenons surtout que le tirage tant numérique qu’argentique est un art qui se distingue à part entière de la prise de vue.
Ceux qui souhaiteraient plus de détails peuvent consulter l’excellent ouvrage de Steve Mac Leod, « L’art du tirage ». Dédié à aux techniques de tirage en chambre noire, l’ouvrage reprend les méthodes pour sublimer ses clichés, méthodes qui sont tout autant adaptables à l’editing numérique.
Et si les techniques du numérique ne sauveront jamais une photo réellement mal exposée ou floue, il est du devoir du photographe professionnel aujourd’hui d’effectuer un editing, même léger, avant de livrer ses images de mariage. Ca restera identique à ce qui était fait auparavant, quoiqu’en disent les mauvaises langues !

Leave a reply